L’une des énigmes les plus déroutantes, et des défis intellectuels les plus frustrants pour les paléoanthropologues, est le mystère qui entoure la disparition de Neanderthalensis, il y a 40 000 ans environ. Certains travaux de recherche, tels que ceux de Krist Vaesen de l’université de Leiden, ont contribué à un changement dans la compréhension des mécanismes de l’extinction de notre cousin : ils réduisirent la part de responsabilité que l’on peut vraisemblablement attribuer à Sapiens et à l’exclusion compétitive.
Des facteurs intrinsèques à Néandertal auraient participé à sa chute : la taille des populations et les particularités des comportement reproductifs sont avancés comme des contributeurs majeurs de son extinction ; les travaux de recherche de Krist Vaesen et son équipe fournissent un argumentaire convaincant : Néandertal aurait amorcé son déclin bien avant l’arrivée de Sapiens. Et si les groupes de Néandertal avaient été victimes d’un dépeuplement drastique, et avaient glissé d’eux-même, par la dynamique interne de leurs populations, sous le seuil critique de la Population Minimale Viable ? Et si les facteurs démographiques avaient été suffisants pour déclencher, par l’intermédiaire des lois qui gouvernent la dynamique de toutes les populations, l’extinction de Néandertal ? L’intervention de Sapiens est débattue : et s’il n’avait pas participé ? Et si la compétition pour les ressources n’avait pas eu lieu ? Alors, la vie intelligente ne s’est peut-être pas même livrée à une lutte pour le pouvoir. Pour que les mécanismes de l’exclusion compétitive se mettent en place, encore faut-il que les espèces soient en mesure de livrer à une telle compétition.
Les travaux menés notamment par le Human Origin Group de la faculté d’archéologie de Leiden, soutiennent l’hypothèse selon laquelle la disparition de Néandertal serait le résultat des facteurs démographiques, par le jeu des dynamiques internes propres aux petites populations. Néandertal aurait franchi le seuil critique de la Population Minimale Viable sans la contribution de Sapiens : les premiers contacts entre les deux espèces auraient eu lieu alors qu’il était déjà trop tard ; nos ancêtres, en arrivant sur les territoires occupés par leur apparenté, auraient assisté à l’effondrement d’une espèce déjà épuisée. D’après les auteurs, nous aurions été les témoins impuissants du dépeuplement, puis de la disparition, de l’avant-dernier Homo. Les résultats de Krist Vaesen confirment les hypothèses de travaux de recherche antérieurs menés par Oren Kolodny et Marcus Feldman de l’université de Stanford : en utilisant une série de modèles mathématiques, ces chercheurs mettaient en évidence qu’aucun facteur extrinsèque, tels que la compétition pour les ressources avec Sapiens, ni même la participation de facteurs climatiques ou même épidémiques, n’ont vraisemblablement été nécessaires ; nul ne précipita sa ruine : Néandertal avait amorcé seul la transition vers l’état de fossile. Les dynamiques de ses migrations, en trop petits groupes, lui auraient été fatales, et l’insuffisance des flux de gènes auraient suffi à guider ses populations vers leur perte.
Références
Vaesen, K., Scherjon, F., Hemerik, L., & Verpoorte, A. (2019). Inbreeding, Allee effects and stochasticity might be sufficient to account for Neanderthal extinction. PloS one, 14(11), e0225117. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0225117 Lien vers l’article
Kolodny, O., & Feldman, M. W. (2017). A parsimonious neutral model suggests Neanderthal replacement was determined by migration and random species drift. Nature communications, 8(1), 1040. Lien vers l’article









