Les pinsons de Darwin contre-attaquent

Pinsons de Darwin

Plusieurs espèces de pinsons des Galapagos vivent sur l’archipel volcanique du même nom. Les volatiles  sont répartis sur une constellation de plus de cent cinquante îles, certaines dites mineures et parfois minuscules ; d’autres, majeures, abritent des populations humaines. Les îles Galapagos sont un laboratoire du vivant célèbre et surprenant : leur isolement, les caractéristiques géographiques et climatiques, permirent à l’évolution de mener des expérimentations souvent impossibles sur les continents. Elles donnaient lieu et existence à des espèces endémiques à l’archipel, c’est-à-dire dont la présence sur Terre est limitée à cette région. Darwin aurait-il élucidé les mécanismes de l’évolution, si le petit navire qui l’emportait avait mené son expédition un peu plus à l’Est ou un peu plus à l’Ouest ?

L’exemple le plus célèbre qui illustra les travaux du Britannique, est celui de l’évolution de la taille du bec des pinsons de l’archipel : en se penchant sur la morphologie variable des spécimens qu’il ramena de son voyage, il s’aperçut, avec l’aide des experts de sociétés savantes londoniennes, que chaque espèce, caractérisée en particulier par un bec d’aspect singulier, provenait d’une île distincte ; sur le plan des classifications biologiques des ornithologues, elles appartenaient pourtant toutes au même groupe de volatiles. Darwin comprend alors que les espèces différentes sont issues d’une même population ancestrale : les migrations au sein de l’archipel, la dispersion du volatile sur des sanctuaires séparés, avaient induit l’isolement de chacune ; l’environnement propre à chaque île avait été responsable, d’un bout à l’autre de l’archipel, de mécanismes évolutifs qui contribuaient à la sélection de certaines caractéristiques morphologiques.

Alors, il établit une corrélation entre les ressources alimentaires disponibles sur chaque île, et la morphologie du bec : là où le volatile trouva plus de cactus, les spécimens dotés d’un bec plus fin furent favorisés dans la tâche d’en extraire la chair et d’en déguster la fleur. Sur l’île suivante, s’ils furent en présence de graines compactes et volumineuses, l’oiseau au plus gros bec pût les briser et se repaître de leur contenu en amidon, quand ses compagnons plus fragiles dépérirent affamés. Ainsi, les générations successives, isolées sur des confettis de terre, furent le lieu de la sélection des individus en fonction de la morphologie de leur bec : Darwin venait d’élucider le mécanisme du différentiel de survie. Cette description ajouta une pièce d’envergure au faisceau de preuves et d’arguments en faveur de la théorie de l’évolution des espèces. On renomma les pinsons : en remerciement pour leur contribution à l’empire  encyclopédique de Sapiens, ils furent affublés du nom du Britannique qui passait par là. Les pinsons de Darwin font toujours l’objet de travaux de recherche : qu’ont-ils retenu, pour leur part, de la rencontre avec le primate moderne qui les déposait dans une cage ? Cette ultime migration, dont ils ne furent pas à l’initiative, substitua à la portée de leur regard l’océan pacifique par l’œil gigantesque, le visage dénué de bec et le doigt rosé du dernier représentant de genre Homo : en se penchant sur une cage, et sur les mécaniques de sa propre origine, Sapiens se souciait peu de condamner le sujet de son étude.

À propos de l’auteur
Mots clés
categories
évolution

Derniers articles